L'odeur du café. Ce café moulu, macérant dans sa boîte en fer, comme le conservait Mémé. Ce café transvasé du sac durci, une vraie brique, et répandant ses grains virevoltant, dans un lourd parfum de... de quoi ?

Comment sent le café ? Il sent le bois. Le bois, avec une fine odeur de métal disséminée. Il sent la terre qui l'a nourri, les cageots qui l'ont transporté, les machines qui l'ont transformé en ce monticule terreux, un terril.

Le café sent chez moi. Les maisons des corons ombragées et tièdes, les draps blancs séchés au grand air, les poêles toujours allumés, réchauffant le café à la chicorée.

Il sent chez Mémé. Il sent la petite cafetière italienne qui bouillait sur les plaques de gaz, il sent le lait concentré sucré qu'on versait dans les petites

tasses de porcelaine, ce lait dont je me gave à présent, pour retenir ces souvenirs dispensés à la cuiller sur ma langue rose d'enfant qui ne se souciait guère d'engranger des images pour plus tard.

Plus tard. Quand j'écrirai. Quand je puiserai dans ma mémoire ces instants fugaces qui peuvent faire un roman. Quand je me soûlerai seule de ce café tenace sur la langue, car je le savais, petite, que je serai romancière, un jour prochain. Je le savais, que ces souvenirs remonteraient de la surface comme les vestiges des guerres.

Et alors, titillée par les odeurs, il me faudrait répondre à ce besoin ; boire du café, et retranscrire le liquide sous forme de mots et de phrases.

L'heure du café

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